co-construction, stratégie, design avec une approche (éco-)systémique

Réflexion collective sur la stigmergie grâce à la méthode de la connaissance créatrice

Retour sur une réflexion sur la stigmergie faite en utilisant une méthode d’intelligence collective à distance originale.

J’ai eu le plaisir de participer hier à une rencontre en ligne sur le concept de travail en stigmergie avec des membres du groupe de travail AnimFr qui rassemble des acteurs impliqués dans l’animation de projets coopératifs, dans la formation aux pratiques collaboratives et à l’animation de réseaux thématiques ou territoriaux.

La stigmergie est une méthode coordination indirecte inspiré du fonctionnement des sociétés d’insectes sociaux. Pour ceux qui ne connaissent pas ce concept cela peut être interessant pour vous de commencer par lire l’article suivant:

La rencontre d’hier a rassemblé une dizaine de personnes pour réfléchir ensemble sur le concept de stigmergie en utilisant l’intelligence du groupe et les apports de chacun.

Pour cette réfléxion nous avons utilisé un format participatif original: La méthode de Nonaka & Takeushi aussi appelée « Cycle de la connaissance créatrice », une méthode d’intelligence collective, visant à capitaliser et échanger des représentations et connaissances entre personnes qui ne sont pas forcément de mêmes cultures ou qui n’ont pas les mêmes centres d’intérêt.

Méthode de Nonaka & Takeushi / Cycle de la connaissance créatrice

Cette méthode se déroule en 4 phases:

  1. Socialisation: La socialisation fait appel aux sens. Les participants commencent à dire quelque chose d’eux-mêmes aux autres. Ils rendent explicite quelque chose d’eux-mêmes, prennent conscience de leurs représentations personnelles. L’idée de cette première phase est de rassembler les participants sur une même préoccupation.

  2. Exteriorisation: Phase où les participants parlent tous du même sujet. Ils passent d’une représentation individuelle à une représentation collective, par la conceptualisation. L’exteriorisation fait appel à la raison.

  3. Combinaison: Il s’agit d’accueillir un savoir externe, apporté par un « expert ».La combinaison fait appel à des connaissances systémiques. C’est la phase où les participants croisent différentes données, confrontent la théorie à des choses réelles.

  4. Intériorisation: C’est la phase opérationnelle. C’est le moment où les participants s’approprient le nouveau savoir issu des échanges et combinaisons, où ils le traduisent « dans leur langue », où ils cherchent à répondre à la question suivante ; « A quoi cela va-t-il me servir ? ».

Pour la rencontre en ligne nous avons expérimenté avec ces 4 phases et  fait une adaptation de cette méthode avec 3 roles d’animation (+1):

Nathalie Menet jouait le chef d’orchestre et animait la dynamique Nonaka, Jean Michel Cornu jouait le rôle de scribe, permettant, en direct, de faire apparaître la structure des échanges et je jouait le role d’ « expert » pour faire ressortir les concepts développés par Heather Marsh dans son article en les augmentant de réflexions et connaissances nouvelles.

En parallèle, Marika Bernier gardait un oeil (et une oreille!) extérieur sur la discussion pour observer le déroulement de cette méthode encore expériementale.

Pour en savoir plus sur cette méthode de la connaissance créatrice, vous pouvez télécharger le document suivant produit par Nathalie Menet, voir une version synthétique sous forme mindmap produite par Bernard Brunet et si vous avez plus de temps regarder cette vidéo où Nathalie parle plus en détail de cette méthode.

Outils utilisés

La méthode Nonaka & Takeushi est à la base une méthode en présence. Pour l’adapter en ligne, nous avons utilisé plusieurs outils:

  • Flashmeeting pour une visio conférence qui ne nécessite pas de compte ou d’installation par les participants
  • en parallèle un google document permettait à Jean-Michel d’afficher la prise de note en direct.
  • Les deux outils étaient ensuite couplés dans une seule page grace à l’outils SplitR qui permet de regrouper 2 pages différentes dans une seule en quelques clics.

Voici à quoi ça ressemblait :

 format-reu-stigmergie-2

Flash meeting ne permet qu’a une seule personne à la fois d’avoir la parole. Je craignais que cela ne soit pesant, mais au final cette contrainte force chacun à écouter les autres sans couper la parole et mais aussi à ne pas monopoliser le temps de parole. Enfin le chat de flash meeting permettait de noter des idées, ou d’avoir des échanges entre participants sans couper la parole à celui qui parlait.

Grace à l’animation de Nathalie, le résultat a été plutôt interessant avec une participation équilibrée, comme le montre ce graph des temps de paroles.

temps-paroles-reu-stigmergie

 

Chacun a amené des idées et grace au travail de Jean-Michel, une belle synthèse des idées du collectif a émergée.

 

Réflexions sur la stigmergie

Pour ceux que la stigmergie interesse vous pouvez retrouver l’enregistrement de la rencontre ici.

Je républie ci dessous la synthèse de la rencontre rédigée par Jean-Michel à partir des apports du groupe.

Synthèse de la discussion

  • Définition de la stigmergie : une autoorganisation distribuée
    • une communication indirecte entre les acteurs sans jugement (et sans conscience globale)
    • orienté action et choix individuel (permet à chacun de prendre ses responsabilités)
  • Question 1 : Quels sont les prérequis ?
    • définir un périmètre et un objectif partagé
    • responsabilisation de chacun des acteurs (liberté d’expression)
      • être très motivé et si possible être formé
      • annoncer son intention (intent casting )
      • confiance acceptation totale de l’apport de l’autre
  • Question 2 : A quel besoin çà répond ?
    • permet la créativité et l’innovation, de prendre des décisions, de mettre en oeuvre et d’évaluer les objectifs du groupe…
    • être agile et rapide : plus d’action et moins de blabla (pas de chef ni de dictature du groupe)
    • créer de la motivation et vaincre les peurs (en prototypant)
  • Question 3 : Comment l’utiliser ?
    • plus facile avec un nouveau projet plutôt que dans un groupe existant ?
    • Mettre en place des rencontres de type open space, des ateliers, des espaces permanents, un serious game ?
    • Indiquer les choses interdites plutôt que les règles du jeu : tout est acceptable sauf ce qui met en péril les personnes ou le groupe
      • mais nécessite des licences libre
  • Question 4 : Quelle plus value ?
    • aller au-delà du collaboratif (comme c’est le cas dans le consensus ou la démocratie participative)
      • s’ouvrir sur l’extérieur vers d’autres réseaux
    • Plus vite
    • Plus créatif : on ne sait pas comment çà va aboutir
    • Les difficultés
      • on peut avoir peur de ne pas savoir où on va…
      • comment atteindre un objectif précis ?
      • Accepter de ne peut pas obliger les gens à participer
  • Question 5 : Y a-t-il des exemples concrets chez les humains ?
    • sur des bateaux ? Burning man, open space technology (mais la stigmergie va plus loin), disco soupe, la traduction du texte sur la stigmergie dans anim-fr :-), les indignés ? les anonymous ? Wikipedia ?

Objectif de cette réunion : atteindre une compréhension commune de la Stigmergie

  • L’équipe d’animation : Nathalie : animation, Lillian : expert, à partir de l’article Stigmergy de Heather Marsh, Jean-Michel : scribe pour faire une synthèse, Marika : prise de notes sur la méthodes, ce qui a marché, ce qui a moins marché

Méthode : une expérimentation mixant la méthode créatives de Nonaka & Takeushi en présentiel et la méthode de production collaborative avec synthèses utilisée par la groupe.

  • 1ère étape : socialisation, qu’est-ce que la stigmergie pour vous
    • Bernard : on le pratique depuis 25 ans dans notre scoop : celui qui dit y est
    • Vincent : un modèle de gouvernance collaborative orienté action où aucune action n’est jugée
    • Arturo : une forme de pure d’auto-organisation basée sur l’action, dépurée des notions de propriété, de consensus et d’autorité
    • Emmanuelle Prendre ses responsabilités et avancer dans une action avec d’autres pour produire un effet boule de neige
    • Jean-Michel : une forme de coopération sans conscience mais avec l’environnement qui formate l’action
  • étape 2 et 3 : créer de la connaissance ensemble + synthèse en direct (40’)
    • avec des moments de suspension pour revoir la synthèse
  • étape 4 : intériorisation (phase opérationnelle : comme chacun va se l’approprier)
    • Bernard : utiliser dans ma scoop la stigmergie (on le faisait sans le savoir avant) et aussi Nonaka Takeuchi
    • Emmanuelle : utilisation dans mon mon projet collaboratif à Clermont Ferrand
    • Vincent : il y a une énergie, on ne sait pas où on va mais on y va. Je suis content qu’un mot existe pour cela
    • Arturo : un axe de recherche dans mon activité, et la traduction de l’article de Heather Marsh en espagnol
    • Lillian : un festival où on avait pas d’objectif de participation ni de coordination centralisée : résultat une cinquantaine de personne par une journée pluvieuse sans pub
  • Debrief (voir aussi le pad de Marika)
    • Emmanuelle : parole bien répartie, c’était très agréable
    • Vincent : bien sur le fond comme sur la forme
    • Bernard : avant c’était plus confus, là c’était clair
    • Arturo : très motivé pour continuer
    • Jean-Michel : on pourrait utiliser la méthode aussi pour la créativité
    • Lillian : très bien la répartition des rôles, tout le monde a apporté quelque chose tout en étant à l’écoute

 

Les liens échangés lors de la réunion:
Open Space Technology: http://www.colaboremos.com/fr/open-space-technology.html
http://www.lilianricaud.com/travail-en-reseau/la-stigmergie-un-nouvelle-modele-de-gouvernance-collaborative/
Sur l’intentcasting: http://emergentcities.sebpaquet.net/blueprints-for-networked-cocreation-1-intentc
pour l’espace co-working: http://theserendipitymachine.com/

 

Si nous avons fait un bon tour d’horizon, il reste encore des choses à explorer dans ce concept. En particulier une question qui revenait dans les commentaires était de savoir comment faire pour atteindre un objectif précis dans un travail stigmergique, puisque par définition les agents sont libres de leur actions et que l’on ne peut pas les forcer.

Cela sera un bon sujet de reflexion pour plus tard 🙂

 

Ajout 21/10/2014: Cet article fait partie d’une série de réflexions sur les modèles coopératifs en réseau ouverts.

 

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