co-construction, stratégie, design avec une approche (éco-)systémique

Innovation, métiers créatifs et nouveaux modes de travail

A l’heure où la robotisation et l’informatique remplacent de nombreux emplois, où le monde est de plus en plus complexe et en changement de plus en plus rapide, la capacité à être créatif devient de plus en plus indispensable. On voit ainsi apparaître de nouveaux modes de travail créatifs très différents des modes de travail traditionnels.

Cet article est le premier d’une série consacrée à ces modes de travail créatifs et qui explorera les mécanismes de l’innovation en réseau ouvert, le fonctionnement des tiers-lieux, et les modes de travail basés sur des évènements co-créatifs.

Que ferons nous quand les robots effectueront tous les métiers comportant des tâches répétitives ?

De plus en plus d’études pointent aujourd’hui sur le fait qu’avec le développement des technologies numériques et les progrès des robots, la plupart des métiers qui comportent des taches répétitives sont amenés à disparaître au profit de machines.

caisse "automatique" pour les clients. Image CC-BY-SA Florent Darrault
caisse « automatique » pour les clients.
Image CC-BY-SA Florent Darrault

Aux Etats-Unis, 62% des emplois seraient menacés par la robotisation. En Chine, Foxconn, l’un des plus gros employeurs industriel du pays, prévoit de remplacer de plus en plus d’ouvriers par des robots pour assembler les smartphones et autres produits électroniques vedettes qu’elle produit pour les grandes marques.

Autre exemple plus près de chez nous: EDF est en train de remplacer ses compteurs par des modèles électroniques pouvant être relevés à distance et qui ne nécessiteront donc plus la présence de contrôleurs humains.

voiture-sans-pilote
les voitures sans conducteurs de Google ont déjà parcourus plus de 2 millions de km.

Hier c’était les robots d’assemblage sur les chaînes industrielles, aujourd’hui les caisses électroniques, demain les drones et les voitures sans pilotes.

Pour le meilleur ou pour le pire, le mouvement de remplacement des humains par des robots est lancé et ne semble pas près de s’arrêter. Ainsi, à moyen terme il semble que toutes les taches répétitives (et les emplois associés) pourront être remplacés et seront effectuées par des machines.

L’importance des métiers créatifs

Si les métiers répétitifs sont menacés par l’automatisation, tous les métiers qui comportent des aspects imprédictibles, créatifs, inventifs nécessiteront encore pour longtemps des humains seuls capables de mener à bien ces taches créatives.

Si les machines et les algorithmes qui nous aident deviennent de plus en plus puissants il faut des êtres humains créatifs capables de les concevoir, mais il faudra aussi de plus en plus être capable de penser leur impact et leur enjeu sociétal.

L’interconnexion du monde par la technologie, mais aussi la globalisation des crises écologiques, économique et sociale nécessiteront de penser autrement.

Dans notre monde complexe dont le changement est devenu permanent et s’accélère, être créatif n’est plus une option, mais une nécessité.

L’innovation est construite socialement

« Innover », « Innovant », « Innovation », nous promettent de plus en plus d’organisations… Pourtant si « innovation » est le buzzword du moment c’est que les organisations traditionnelles patinent quand il s’agit de comprendre comment être vraiment innovant et créatif.

En effet, l’innovation ne se fait pas de manière linéaire et prédictible.

Si beaucoup pensent que l’innovation est nourrie automatiquement par les avancées de la science (qui permettent à quelques esprits brillant d’inventer de nouvelles choses), et qu’il suffit d’un peu de planification et de moyens financiers pour innover, la réalité n’est pas si simple.

Les derniers modèles des chercheurs tendent à prouver que l’innovation n’est pas le fait de quelques individus, mais qu’elle est construire socialement via un tissu complexe d’interactions :

L’analyse critique du modèle déterministe a amené les chercheurs Trevor Pinch et Wiebe Bijker à développer l’approche de la construction sociale des technologies (Social construction of technology, SCOT). Le modèle SCOT avance que le progrès scientifique et technique sont fabriqués socialement. Par exemple, le gouvernement a son rôle à jouer en favorisant les contacts inter-entreprises, en soutenant les entreprises et en assurant un contexte adéquat pour l’innovation (ex : bon système d’éducation, recherche publique de qualité, fiscalité et réglementation adéquate). Il faut aussi prendre en considération les besoins de la population et la manière dont ils perçoivent l’innovation. Bref, le modèle SCOT s’efforce de représenter toute la complexité des interactions entre les différents groupes sociaux qui prennent part à l’innovation technologique. Wikipedia, Construction sociale des technologies.

La créativité ne se commande pas

Le management traditionnel basé sur le « Command & Control » était pratique lorsque l’on traitait des taches répétitives et planifiable parce que le monde changeait peu et que le futur était relativement prédictible (demain ressemblait à hier et on pouvait extrapoler, prévoir et planifier).

En revanche dans notre monde d’aujourd’hui où le changement est très rapide et impose de traiter des problèmes complexes avec une approche créative innovante, pluridisciplinaire et collaborative, le « Command & Control » est contre-productif et les modes traditionnels de management ne fonctionnent plus.

La créativité ne se commande pas.

On peut seulement créer des conditions de coopération ouverte qui favorisent l’émergence d’interactions créatives propices à l’innovation.

 

barcamp - nouveau mode de travail créatif
un exemple de nouveau mode de travail créatif: Les participants au premier BarCamp commentent écoutent et suivent sur leurs écrans en simultané. Image par Ioerror. — Travail personnel., CC BY-SA 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=285686

Innovation en réseau

Par ailleurs comme le rappelle Hubert Guillaut dans un excellent article, l’innovation n’est plus le fait d’experts spécialisés travaillant dans un laboratoire, mais d’utilisateurs travaillant en réseaux coopératifs ouverts:

Certaines des ruptures les plus significatives de l’internet n’ont pas été initiées par un plan de développement industriel accompagnant la mise à disposition d’une technologie ou d’un service nouveau issus de laboratoires de recherches. Au contraire, beaucoup d’innovations que l’on connaît dans la société de l’information (Wi-Fi, P2P, Blogs…) ont pris forme par “le bas”, au terme d’un processus coopératif réunissant, souvent de manière spontanée, des réseaux d’usagers. Cette dynamique “horizontale”, appelée également “innovation ascendante”, est devenue une caractéristique essentielle du développement des usages et du marché de l’internet.

Ce modèle en réseau ouvert où la créativité de chacun devient dès lors une part de la conception et se traduit par une multitude de “micro-innovations” ne concernent pas uniquement l’Internet, mais peut se faire localement sans outils numériques (voir l’exemple de la planche à voile cité aussi dans l’article).

En ligne le développement spectaculaire du logiciel libre, de la connaissance libre et du matériel libre sont des exemples des capacités incroyables de la coopération ouverte et du travail en réseau.

Des nouveaux travailleurs créatifs et pluri-actifs

Dans notre société de plus en plus basée sur la manipulation de la connaissance on assiste donc à l’apparition de « nouveaux créateurs » dont le profil est très bien décrit dans la charte de la coopérative SmartFr.

Le développement très rapide d’une économie basée sur l’immatériel également appelée      « l’économie du savoir ou de la connaissance » a favorisé l’émergence d’une nouvelle catégorie socio-professionnelle, désignée comme les « nouveaux créateurs ».

Ceux-ci sont tout autant artistes, informaticiens, chercheurs, designers, auteurs, architectes… Ils se distinguent par leur capacité à manipuler des savoirs et à convertir leurs talents en innovation génératrice de richesse. Ils développent leurs activités essentiellement sur un mode de projets qui implique souvent une forte capacité de mobilité, et la mise en place de nouvelles formes «collaboratrices» de travail au sein de leur réseau par le biais d’échanges. Ces échanges ne sont pas toujours marchands et peuvent aussi s’effectuer selon un principe de réciprocité.

Leur appartenance à une ou plusieurs organisation(s) (entreprise, administration, association …) est appréhendée plutôt comme un moyen de mener des formes de travail collectif, au service d’un ou plusieurs projet(s), que comme une fin en soi.
La diversité des situations font de ces nouveaux créateurs de véritables « caméléons » capables de changer de posture en fonction de leur place à l’intérieur d’un projet. Ils sont tour à tour donneur d’ordre, client, salarié, prestataire, employeur…

Un nombre important de créateurs trouve une viabilité économique par le biais de la pluriactivité : création, diffusion, formation, animation d’atelier, prestation de service.

Outre l’intérêt économique, la pluriactivité est considérée par ses pratiquants comme une richesse sur le plan créatif.

Le travail en transition

Est-ce que j’étais en train de travailler cette nuit en résolvant un bug ? Est-ce que j’étais en train de travailler sous la douche en préparant cette introduction ? Est-ce que vous êtes en train de travailler en assistant à cette conférence ? Est-ce que vous étiez en train de travailler ce weekend en réfléchissant à la réponse d’un mail professionnel ?

C’est ainsi que Stéphane Langlois et David Larlet, développeurs et nomades digitaux, s’interrogent dans leur article et conférence « Travail en transition« .

 

Dans des événements comme dev open sud la frontière entre travail professionnel et partage de moments de vie personnels s'amoindrie. Photo: Thomas Wolf: https://twitter.com/thom_wolff
Programmation, ateliers créatifs, musique, randonnée, repas partagés, … dans des événements comme Dev Open Sud, il n’y a pas de séparation claire entre travail professionnel et partage de moments de vie personnels. Photo: Thomas Wolf: https://twitter.com/thom_wolff

Pour eux « Le travail ne consiste plus à être employé pendant 35 heures par semaine mais devient beaucoup plus perméable et fait partie intégrante de nos vies. Le numérique a participé à l’accélération de ce processus, au moins pour les métiers demandant de la créativité. »

Ainsi entre les nouveaux créateurs décrits plus haut qui cherchent à équilibrer une activité économique et des contributeurs participants bénévolement à des projets dans lesquels ils trouvent du sens, la frontière est de plus en plus floue.

 

Vers de nouveaux modes de travail

Quelles seront les formes de travail ? Quels en sont les lieux ? Quels en sont les modes de fonctionnement ? Quels en sont les modèles économiques ? Il existe déjà beaucoup de nouveaux modèles qui préfigurent ce qui va arriver et donne une idée des nouvelles tendances.

Ce sera l’objet d’une série d’articles à paraître prochainement:

  • Tiers-lieux en réseau et territoires créatifs
  • Tiers-lieux éphémères et jeux co-créatifs
  • Économie contributive et modèles économiques
  • Du Faire Pour au Faire Avec: vers de nouveaux modèles d’entreprises ?

 


 

Cet article a nécessité 11h de rédaction. Ce travail de partage prend beaucoup de temps et j’ai encore beaucoup de matière à partager Si vous souhaitez voir des publications plus régulières, soutenez moi.

 

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2 commentaires sur “Innovation, métiers créatifs et nouveaux modes de travail”